La radicalisation, on en parle, et c'est toujours la même petite musique qu'on entend: islamisme, djihad, terreur moyenâgeuse. Dans le roman de Jean-Paul Chaumeil, l'enfer est bordé de deux rives qui se font face avec violence. Boris est un privé bordelais revenu d'Afghanistan où il espérait venger la mort de sa femme, le 11 septembre 2001 à New-York. Si son combat s'inscrit peu ou prou dans les limites de l'état de droit, celui de sa fille ne revendique que la haine. La radicalisation consume aussi l'espérance d'une jeunesse instrumentalisée par les vieux démons de l'Occident chrétien.
Intervenant avec un autre baroudeur pour empêcher le lynchage d'un homosexuel, Boris enquête en marge de la procédure officielle dans un Bordeaux où la modernité glacée des ambitions municipales le dispute à la nostalgie des derniers quartiers populaires.
L'autre figure du mal se recompose en négatif de la première. On glisse du djihad à la croisade, de la famille monoparentale urbaine à celle qui survit dans une petite ferme, de la promotion par la mosquée au culte de la violence dans une fac de droit, et de la pratique militaire en Syrie aux missions combattantes dans les territoires perdus de l'ex-Yougoslavie.
À la manière de Jérôme Leroy, Jean-Paul Chaumeil réanime le tueur qui flotte parfois à notre insu dans les replis de la conscience. Mais dans ce face à face entre un père et sa fille, c'est le roman qui gagne.
Parfois c'est le diable qui vous sauve de l'enfer – Jean-Paul Chaumeil – Rouergue – 272 pages – 20€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 16 septembre 2018Lire aussi dans Sud-Ouest