Dans l'estuaire de l'Amazone, Belem capitale de l'état du Para, est aussi la ville fétiche d'Edyr Augusto. C'est le titre d'ailleurs d'un de ses romans traduits en français pour les éditions Asphalte en 2013 où se mêlent proxénétisme, pédophilie, corruption, et portrait sans concession d'une classe dirigeante cruelle et prédatrice.
Pour le même éditeur, Diniz Galhos a encore traduit deux de ses romans, "Moscow", surnom de l'île de Mosqueiro, petit paradis ensoleillé dont Edyr Augusto nous présente le versant nocturne hanté par une bande de jeunes délinquants sans limites, et "Nid de vipères", récit d'une vengeance de femme contre un des hommes les plus puissants de cette région. C'est à chaque fois, la restitution d'un climat de violence extrême, loin des clichés sur la douceur de vivre des amateurs de carnaval.
"Pssica" publié cette année vient d'être sélectionné dans la catégorie "romans étrangers" pour le Grand Prix de Littérature policière. Le lauréat sera connu le 20 septembre mais soyez assuré de prendre un coup au plexus dès le premier chapitre. Le point de départ ressemble à une de ces histoires puisées dans la rubrique des faits-divers. Janalice, une gamine de 14 ans, est chassée de chez elle après la diffusion d'une scène de fellation filmée par son petit copain. Ensuite, c'est l'engrenage d'une descente aux enfers.
Réfugiée chez une tante dont le compagnon abuse d'elle, elle échoue dans les filets d'une rencontre perverse et se fait enlever en pleine rue. Drogue, prostitution, Edyr Augusto nous sauve de la déprime avec un personnage de flic obstiné. Mais les raisons d'espérer sont fragiles et la prouesse de l'auteur, c'est le rythme névrotique qu'il impose à la narration de ce cauchemar. Des dialogues fondus dans le corps d'un texte maigre, sec, et porté par un présent qui nous immerge au cœur de l'action, le roman ne nous épargne rien du naufrage de Janalice.
Des rues de Belem aux bouges sordides de Cayenne, le destin des femmes vendues par les réseaux mafieux est le même partout dans le monde. Et à travers ce périple où la compassion le cède à l'impuissance, c'est bien la détresse des victimes qui interpelle le lecteur. La samba est triste.
Pssica – Edyr Augusto – Traduit du brésilien par Diniz Galhos – Asphalte – 160 pages – 15€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 18 juin 2017