Dominique Dayau vient juste de ranger son flingue. Le commandant de police a passé plus d'une trentaine d'années à traquer les méchants et un peu moins d'une quinzaine à cultiver son jardin secret littéraire. Des secrets éventés chez plusieurs éditeurs, de Mollat à Vents salés en passant par Elytis qui publia entre autres "Serial Piqueur" et "Toilettes de flics", recueil d'anecdotes hilarantes sur un besoin fondamental et l'incongruité parfois de cette exigence en milieu policier.
Assurément écrivain comme le rappelle Hervé Le Corre dans sa préface, Dominique Dayau prouve avec ce premier volet d'une trilogie qu'il n'est pas le greffier de sa mémoire, comme un flic est tenté de le devenir en évoquant les épisodes plus ou moins tumultueux de sa carrière. Certes, l'avoir à sa table, c'est s'assurer quelques tranches de fou-rire et des chroniques invraisemblables puisées dans la sacoche tribale de la PJ.
Le "polar" est friand de ces procès-verbaux mais la littérature décline souvent l'invitation. Toujours sous l'influence de cette tension, l'auteur travaille sa matière première avec une puissance qui réjouit l'oreille. Ceux qui aiment la musique seront comblés.
Cette histoire de flics ayant largement dépassé la date de péremption, seniors déglingués réunis dans une brigade improbable pour déjouer les projets terroristes, est avant tout une affaire de personnages. Max, le patron de l'officine, "n'était pas le diminutif de Maxence ou de Maxime. Cela signifiait Maximum. Un maximum de boulot pour un maximum d'emmerdes."
Le projet réellement foutraque rend l'intrigue presque secondaire. La partition de Max, c'est celle d'un chef de chœur qui mêle les sonorités propres à la boutique du 36 aux accents du "faubourg" comme on disait à l'époque où les "cités" n'avaient pas encore coiffé le ciel de nos banlieues.
Face aux princes de cette lumière grise, Dominique Dayau installe les princes de la nuit, trafiquants et terroristes, pour lesquels il réinvente aussi une langue étrangement épicée. Dominique Dayau, c'est encore Hervé Le Corre qui en parle le mieux, comme d'un écrivain qui met "en harmonie et en rythme la langue française. (…) Et ça chante, et ça gueule et ça valse."
Le 13e Choc – Dominique Dayau – Vents salés – 324 pages – 19,90€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 7 mai 2017