Avec "Saxo-Faune", Gilbert Tanugi nous fait côtoyer Joe Bennett, un artiste génial, personnage clé d'une intrigue on ne peut plus noire. Sam les oreillettes, producteur débranché, tombe par hasard, un soir dans Paris, sur un couple de Noirs américains. La mère joue du piano et le fils de l'alto. Sam s'aperçoit très vite que ce duo là représente la chance de sa vie.
"En quelques phrasés brefs, incisifs, avec à la fois une odeur de messe et de rixe (…) sans casser le fil de sa méditation, Joe allait de la tension extrême au relâchement absolu (…). Pour Sam, il n'y eut pas de doute: Joe Bennett faisait l'amour avec la mère de Dieu. De sa colonne noire jaillissaient des murmures, des plaintes, des chants aussi bien que du sperme. Son outil brûlant se glissait en elle… et le saxo entonnait alors un chant funèbre et mélodieux comme le souffle des archanges."
Enrayant le pessimisme de Manchette, Tanugi invente le messie du jazz: une virtuosité technique jamais séparée du "souffle" qui la fait vivre. C'est bien aussi le mirage du polar, cette volonté farouche qu'a Sam Friedman, petit producteur juif, de courir après sa vérité.
Saxo-Faune – Gilbert Tanugi – Engrenage Fleuve noir – autour de 3€ - ***
Lionel Germain – d'après un article publié dans Sud-Ouest-dimanche en octobre 1986