Capable de pondre une "putain d'histoire", charpentée comme un château gothique, Bernard Minier revient au personnage qui a fait ses premiers succès, Martin Servaz. Commandant de police à Toulouse, Servaz est un "flic à problèmes", conforme aux clichés en usage dans le polar contemporain. Son pire ennemi, Julian Hirtmann, est un tueur en série "insaisissable" qui renvoie au Lecter du Silence des agneaux en passant par la tradition holmésienne qui exige de Moriarty une perversité aussi exceptionnelle que le génie du détective.
A l'énoncé d'un tel verdict, on serait tenté de lâcher l'affaire. Mais Bernard Minier réussit quand même à nous harponner dans la nuit venteuse de Norvège. Ici, grâce à Kirsten Nigaard, flic norvégienne appelée dans la ville portuaire de Bergen où un cadavre a été découvert dans l'église. Une cinquantaine de pages pour un dépaysement sous haute tension avant de retrouver Servaz à Toulouse. Le héros passe plus de temps au bloc opératoire que dans son bureau d'OPJ. Avant sa rencontre avec Kristen, il aura même fait l'expérience de la "mort imminente".
Malgré de nombreux rebondissements, la traque du méchant est un peu surjouée. On reparcourt les lieux communs du crime en admirant au passage les effets de caméra toujours efficaces et le sens des portraits secondaires comme celui de la chef de police norvégienne, "aux petits yeux enfoncés dans sa face plate et large de mérou".
Nuit – Bernard Minier XO – 528 pages – 21,90€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 7 mai 2017