Pince sans-rire et fin styliste, Jean-Claude Lalumière pourrait facilement être rangé dans la section des écrivains humoristiques. A tort, comme souvent. L'humour qui surplombe ce récit d'un rêve perdu ne devrait pas réduire son auteur au comique de service des salons littéraires.
Jeune fonctionnaire du Quai d'Orsay, le narrateur est affecté au "front russe", lequel n'offre aucune perspective de voyages et d'aventures. Délocalisé dans le 13ème arrondissement de Paris, le "bureau des pays en voie de création/ section Europe de l'Est et Sibérie" se trouve au sixième étage d'un immeuble de l'avenue de France. Avec Michel Boutinot, chef de section qu'on reverra en retraité vindicatif dans "La Campagne de France" et Marc Germain, chef de la maintenance informatique en jean et T-shirt, "signe de distinction des informaticiens", l'initiation est un cauchemar bureaucratique.
On imagine alors que la véritable aventure se révèlera dans la rencontre amoureuse avec Aline et son chien Youki, "flaireur d'anus". Malheureusement, "l'expérience de l'amour, c'est aussi l'expérience du néant" et la conclusion de ce rêve d'envol, critique d'une nation empesée, immobile et frileuse, est loin d'être optimiste.
Le front russe – Jean-Claude Lalumière – Livre de poche – 210 pages – 6,10€ - **
Lionel Germain