Quand
Marcel Duhamel écrit ses mémoires au début des années soixante-dix, il s'empare
d'une injonction que lui, créateur de la célèbre Série noire, aimait renvoyer
aux auteurs de romans policiers (on ne disait pas encore "polar" à
l'époque). "Raconte pas ta vie", elle n'intéresse personne. Raconte
nous des histoires qui nous arrachent à la narcolepsie quotidienne.
Sauf que
certains écrivains n'ont pas de meilleures histoires à raconter que celles
qu'ils ont vécues. Même si Sam Millar a prouvé le contraire en publiant les
romans noirs aussi terribles que "Redemption Factory" ou
"Poussière tu seras", sa biographie est un vrai polar ou un polar
vrai.
De
cette haine paradoxale du catholique contre Dieu et les prêtres, forgée à l'heure où l'église s'accommodait en silence de la mise
à mort de Bobby Sands dans les geôles britanniques, à l'étourdissante virée
américaine et ses dégâts collatéraux, il reste l'itinéraire d'un enfant perdu.
Subissant la terreur de son père et la cruelle absence de sa mère, il découvre
qu'il n'est qu'un "Taig", l'équivalent aux yeux des protestants de ce
qu'est un nègre au pays de l'Oncle Sam.
Les
histoires de braquage finissent mal en général. Celle de la Brinks n'échappe
pas à la règle et le rôle de l'auteur est sans doute contestable. Il n'empêche
qu'une vie aussi rocambolesque ne pouvait échapper à Patrick Raynal, traducteur
de Sam Millar pour les éditions du Seuil et ancien patron de la Série noire.
On the Brinks – Sam Millar –
traduit de l'anglais par Patrick Raynal – Seuil – 368 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain