L'Espagne
franquiste dans les années soixante. Un couple de Suédois s'est installé sur
les hauteurs d'un village de pêcheurs. Un exilé allemand les a rejoints et ils
forment une communauté paisible, intégrée en apparence à la population
misérable qui survit d'une pêche artisanale.
Jusqu'au jour où la jeune femme
est violée et son compagnon assassiné. Après le classement de l'affaire, ne
reste que l'Allemand, étrangement absent
à lui-même et pourtant convaincu que la seule justification de son existence
consiste à venger la mort de ses amis. L'énigme de ce personnage est inscrite
dans les non-dits qui lui ont permis de survivre aux horreurs de sa propre
guerre.
Dès
le premier chapitre, Per Walhöö nous offre une séquence dialoguée absolument
fabuleuse entre le sergent de la garde civile et ce peintre allemand à la
dérive. Ce garde civil qui jouera un rôle décisif dans le scénario noir de l'exilé
est d'une vérité surprenante. A la fois rouage de la dictature et père de
famille empathique et humain, il symbolise cette terreur assoupie sous la
canicule mais dont chaque sursaut est d'une mortelle efficacité. Les dernières
scènes d'interrogatoire avec le sergent sont d'une âpreté magnifique.
L'Allemand
n'est pas un taiseux de circonstance cher au polar contemporain, c'est un condamné à mort qui s'abandonne aux oreilles du diable. Un
très grand roman noir.
Le
camion – Per Wahlöö (1962) – Rivages – Traduit du suédois par Philippe Bouquet – 366
pages – 9,65€ - ***
Lionel Germain