Né en 1945 à Wexford, en République d’Irlande, John Banville a alterné selon ses propres termes une double carrière d’artiste et d’artisan. Revendiquant des romans sérieux consacrés à Copernic, Képler, ou le très beau "Lumière des étoiles mortes", qu’il signe de son nom, il se dit aussi l’artisan de romans policiers pour lesquels jusqu’à présent il utilisait le pseudonyme de Benjamin Black. Mais son dernier roman publié chez nous, titré sobrement "Snow" ("Neige") en anglais, n’est pas signé d’un pseudonyme.
Tout ou presque pourtant semble faire de ce livre un polar de facture classique, un "à la manière d’Agatha Christie": un cadavre dans la bibliothèque d’un manoir perdu dans la campagne enneigée, des personnages aux caractères contrastés qui pourraient les uns ou les autres faire de parfaits coupables, et l’humour latent d’une enquête menée par un jeune inspecteur-détective protestant dans un pays catholique – que par dérision on appelle Hercule Poirot. Mais la victime est un prêtre, sauvagement mutilé. Nous sommes à quelques jours de Noël, en 1957.
L’enquête prend vite l’allure d’une descente aux enfers, au cours de laquelle rien n’est épargné au jeune policier. "Était-ce le Mal qu’il avait fini par rencontrer? Il n’avait jamais cru au Mal comme une force en soi… Mais ne se trompait-il pas?" Comme Luther l’avait suggéré, là où Dieu bâtit son Église, le diable construit une chapelle. Le détective, accablé, imagine mal que l’été revienne un jour…
En délicatesse avec la religion de son pays, mais néanmoins influencé par le catholicisme, Banville disait récemment à un journaliste qui l’interrogeait sur le scandale de la pédophilie chez les prêtres: "L’Église a été notre goulag. Je suis horrifié par ce qui est arrivé à tant de jeunes enfants qu’on a tués spirituellement. Cela me rend très sombre."
Neige sur Ballyglass House - John Banville - Traduit de l’anglais (Irlande) par Michèle Albaret-Maatsch - Robert Laffont - 413 pages - 22€ - ****
François Rahier
François Rahier
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