La victime, Lucie Blackman, est une jeune Anglaise, mystérieusement disparue en 2000 alors qu'elle exerçait la profession d'hôtesse dans un bar de Tokyo. Richard Lloyd Parry explore le quartier de Roppongi, monde à part, cosmopolite et très codifié autour des activités où se mêlent commerce licite, clubs de strip-tease et bars à hôtesse. Si la jeune femme officiait dans un bar miteux, le "Casablanca", les hôtesses n'y sont pourtant pas comme en Europe assimilées à des prostituées. Lucie se contentait de faire la conversation à des hommes souvent très respectueux des étrangères "blondes aux yeux ronds".
Quand la police finit par arrêter un coupable d'origine coréenne, on découvre la xénophobie de la société nipponne et la rudesse de son système judiciaire. Bouc émissaire idéal, riche et pervers mais héritier d'une histoire familiale compliquée, il sera finalement condamné au terme d'un procès à rebondissements.
Le travail du journaliste se lit comme un roman. Celui d'une jeune femme en perdition et d'une personnalité multiple, Seisho Hoshiyama, Coréen qui abandonne son identité en 1971 pour devenir Japonais et se rebaptiser Joji Obara. Dans cette "Enquête sur la disparue de Tokyo", sous-titre exact du livre, Richard Lloyd Parry abolit le voyeurisme devant la scène de crime pour interroger les racines du mal. Et c'est passionnant.
Dévorer les ténèbres – Richard Lloyd Parry – Traduit de l'anglais par Paul Simon Bouffartigue – Sonatine – 520 pages – 23€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 1er mars 2020
Lire aussi dans Sud-Ouest