Jean Mourrat a vu sa femme disparaître un soir d'orage au volant de sa méhari. Un coup de fil paniqué comme dernier message et la voiture retrouvée près de la rivière témoignent d'une disparition qui refuse de livrer la matérialité d'un corps. Si Liz, sa femme, constitue le premier mystère de l'intrigue, le personnage de Jean concentre assez vite toutes les interrogations du lecteur. Ce maçon a réussi dans son village à devenir un notable en multipliant les opérations immobilières. Il est amoureux de sa femme, il a deux enfants, de véritables amis. Mais progressivement la façade se fissure.
Éric Maneval nous laisse à l'extérieur pour observer la rationalité du drame, une banale disparition comme il s'en produit des dizaines chaque jour. On analyse les causes probables sans jamais acquérir de certitude. Et bientôt, c'est de l'intimité de Jean que surgissent les réfutations du réel. Des rêves, où Liz l'appelle au secours comme si elle se noyait, légitiment le caractère fantastique du lieu de sa disparition, le gué des goules.
Le personnage de Jean, maçon sans histoire, abrite un esprit tourmenté, un "fort intérieur" où se défont les vérités solaires travaillées par le vent mauvais des légendes. Éric Maneval joue de la folie comme d'un soupçon replié dans la zone obscure de la conscience. Les voisins, le couple d'amis et le Révérend qui règle cette chorégraphie des ombres, dépossèdent le narrateur d'une vision du monde initiale rassurante et ordonnée.
Inflammation – Éric Maneval – La Manufacture des Livres – 182 pages – 16,90€ - ***
Lionel Germain