Félix et Justina, couple espagnol un peu trop sans histoire, exilé sur le Bassin d'Arcachon dans les années soixante, voit son existence ravagée par l'enlèvement de sa petite fille Jane. Elle s'appelle Consuelo mais Jane est le nouveau nom choisi par Justina le jour où son regard tombe sur le panneau du lieu-dit à l'entrée de Claouey: Jane de Boy.
Simone Gélin nous invite alors dans cette Espagne des années cinquante où la dictature ne fait pas de cadeau aux derniers républicains. Abril, petite fille d'un couple progressiste, vérifie la dureté des temps avec un père qui anime les réunions clandestines et une mère qui fait la vaisselle, parce qu'on peut partager le même idéal et un peu moins les tâches ménagères. Abril, elle-même, joue à la dinette pour de vrai à huit ans en donnant le biberon à sa petite sœur.
Quand la prostitution reste la seule alternative pour nourrir sa famille, la mère d'Abril sauve ses enfants mais renonce à la dignité qui caractérisait sa jeunesse rebelle. Le prix à payer, c'est "ce regard de pauvre" dont elle hérite au grand désespoir de sa fille.
Peu à peu s'imbriquent les rapports entre le destin tourmenté d'Abril et le fait-divers de Claouey. Roman réussi d'une tragédie familiale au cœur des années noires franquistes.
L'affaire Jane de Boy – Simone Gélin – Vents salés – 426 pages – 22,50€ - ***
Lionel Germain – d'après un article publié dans Sud-Ouest-dimanche - 11 septembre 2016