"Athènes la nuit est vide comme notre poche. Toutes deux sont comme des vases communicants percés d'où tout s'écoule. Rues vides, trottoirs vides, tavernes à moitié vides. Si dans la journée on voit la lassitude d'Athènes, la nuit on voit son deuil."
Petros Markaris a écrit un peu moins d'une dizaine de romans avec le commissaire Charitos. Depuis la crise financière, c'est une trilogie qu'il consacre à son pays en deuil. Deuil des banquiers dans "Liquidation à la grecque", Prix du Polar européen en 2013, deuil des fraudeurs dans "Le Justicier d'Athènes", deuil des élites dans "Pain, éducation, liberté".
Il fallait un épilogue, forcément meurtrier. D'un côté, les néo-nazis d'Aube dorée, de l'autre les membres d'un mystérieux groupe baptisé "les Grecs des années 50", tous les fondamentaux idéologiques de la Grèce contemporaine sont au rendez-vous. Les voyous d'Aube dorée s'en prennent à Katérina, la fille de Charitos, ceux qui se revendiquent de la Guerre civile assassinent les profiteurs. Quant à la police, elle est souvent corrompue et xénophobe.
Charitos courtise le dictionnaire pour empêcher l'évasion lexicale, contraindre le monde à s'en tenir au sens des mots. Altération du jugement ou emploi de moyens condamnables, la corruption reste le noyau dur du vocabulaire de la crise et les effets secondaires de la cure berlinoise ne contredisent malheureusement pas la grille de lecture de Petros Markaris.
Par exemple, ces Grecs des années 50 renvoient à une période où les Albanais très pauvres enviaient des Grecs qui n'étaient pas très riches. Plus d'un demi-siècle plus tard, les prédateurs ne sont plus les mêmes mais le système de prédation, lui, est à l'épreuve des balles.
Épilogue meurtrier – Petros Markaris – Traduit du grec par Michel Volkovitch – Seuil – 288 pages – 21€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 13 décembre 2015