Dans sa postface, l’auteur situe ses personnages entre Conan et D’Artagnan. Si l’on trouve bien ici des clins d’œil à la SF ou à la fantasy (la dédicace à Moorcock, deux héros qui ressemblent à Fafhrd et au Souricier Gris du "Cycle des épées" de Leiber, et des illustrations de qualité dues au pinceau de Gary Gianni, qui prit la suite de Foster sur la BD "Prince Valiant"), les bonheurs d’écriture du livre tirent davantage vers Dumas.
Howard avait une plume efficace, mais sans grâce et totalement dénuée d’humour; ici la virtuosité domine, et la truculence des situations et des dialogues, même dans les moments où l’intensité dramatique est à son comble, tient le lecteur en haleine, au fil d’une intrigue parfois fort complexe.
Deux filous fort sympathiques, un géant africain expert dans le maniement de la hache d’arme et un échalas franc, natif de Ratisbonne, médecin et philosophe, complices tous deux en truanderie et toujours prompts à se quereller, s’encombrent d’un jouvenceau mal embouché qu’il s’agit de replacer sur le trône.
Mais les choses ne sont pas si simples: nous sommes en Khazarie, au milieu du Xe siècle, les drakkars Rous’ (qu’on n’appelle pas encore Varègues) descendent la Volga en semant mort et destruction, et dans ce caravansérail de langues et de mœurs d’un monde en gésine où la Russie est en train de naître et qui voit chrétiens et mahométans se soumettre à un empereur juif, il n’est pas toujours facile de savoir qui est qui, d’autant plus quand les éléphants s’en mêlent!
Chabon a réussi son pari : écrire une histoire de juifs de cape et d’épées qui rompe avec les clichés dont se joue toujours avec talent un Woody Allen par exemple.
Les Princes Vagabonds - Michael Chabon – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle D. Philippe - Pavillons / Robert Laffont – 230 pages – 18€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 23 mai 2010