May va mourir, May est morte peut-être. Et le monde étrange – et familier pourtant – où elle coule des jours heureux en compagnie de son grand-père, vert paradis d’amours enfantines encore au bord du non-dit, n’est sans doute qu’un centre de soins palliatifs aménagé pour elle par des médecins, ou bien déjà l’éternité subjective des premiers romans de Jeury, qui multiplie à l’infini ou presque les ultimes secondes conscientes de ceux qui vont partir.
Mais nous sommes loin de l’univers chronolytique du "Temps incertain" où, réduits à lutter avec leurs rêves contre des technologies devenues furieuses, hommes et femmes s’entredéchiraient. Ici, pour ce passionnant retour à la SF après un quart de siècle d’exploration de territoires plus convenus, Jeury, pacifié, devenu grand-père, donne la parole à une enfant de dix ans, qui détient le secret du changement et surfe innocemment sur la théorie des cordes, passant d’une "brane" à l’autre.
Dérouté par une écriture se jouant avec délectation de la syntaxe, un lexique aussi où les mots-valises voisinent avec d’obscurs néologismes qu’il finit peu ou prou par décrypter, le lecteur comprend vite en effet qu’il est sur une autre ligne d’univers, dont la faune, la flore, la physique parfois sont déroutantes. Sur cette Terre, May découvrira peut-être son "éternété"…
May le monde - Michel Jeury - Ailleurs & demain/Robert Laffont - 392 pages - 22€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 5 septembre 2010