"Le ventre de New-York" a beau décrire la réalité sociale des années quatre-vingt, l'atmosphère ressemble furieusement à celle de l'âge d'or d'Al Capone.
La chance de sa vie pour Billy Adare, un jeune prolétaire d'origine irlandaise grandi dans le Bronx, c'est d'entrer à l'université. Son père est mort et son frère est l'âme damnée d'un chef de gang irlandais dont le territoire est convoité par les Italiens. Pour payer ses études, Billy travaille en enfer, dans le chantier de construction du tunnel destiné à l'alimentation en eau de la ville de New-York. Grèves brisées par des milices mafieuses, assassinat de syndicalistes, corruption à tous les étages, le tableau est très sombre.
Jamais le décalage n'aura été aussi grand entre la fiction triomphante des discours officiels sur les valeurs et la beauté du "monde libre" et la réalité des souffrances dont seul le roman noir nous délivre l'écho. Si Westlake culmine avec "Le couperet" dans l'art de décrypter l'absurdité criminelle de Wall Street, si Thomas Kelly nous plonge dans les ténèbres du prolétariat new-yorkais contemporain, Jason Starr, lui, raconte le déclassement de Bill Moss, un cadre dans l'économie des services. Préjugé, racisme, déchéance, Jason Starr nous ramène à hauteur des passions minables, là où la déraison sociale est d'autant plus cruelle qu'elle broie des hommes sans liens.
Le ventre de New-York - Thomas Kelly - Traduit de l'américain par Danièle et Pierre Bondil - Rivages/thriller - 480 pages – 10,65€ - ***
Simple comme un coup de fil - Jason Starr - Traduit de l'américain par Laetitia Devaux - Fleuve noir - 317 pages – à partir de 2,50€ sur les librairies en ligne - **
Lionel Germain