Certains diront que le premier devoir d'un polar, c'est de divertir ses lecteurs. Se mettre dans la peau du diable pour échapper à la béatitude des journées qu'on enfile comme des perles ou s'émanciper d'une lâcheté persistante en s'immergeant dans la témérité d'un autre. Quand ce devoir est atteint, il est réjouissant de s'offrir en prime un supplément sur la face cachée du réel, de découvrir le scénario secret dont la séduction des apparences a masqué la férocité. Depuis Umberto Eco, l'intelligence a connu des failles. Les margoulins ont fait de la fausse révélation un business des plus rentables et il serait dommage, au vu de son titre, de ranger le roman de Pedro Angel Palou dans la série des attrape-nigauds.
Pour
satisfaire à son premier devoir, l'auteur a inventé un héros sympathique et
courageux, le père Gonzaga, détective de la Compagnie de Jésus. Aux côtés d'une
légiste juive, il enquête sur le premier
meurtre d'un prêtre commis au Vatican. En prime, et c'est finalement l'essentiel,
le lecteur a la chance de partager l'intimité du pape Pie XI et d'Eugenio
Pacelli, le futur Pie XII. En 1929, le Vatican est un palais en ruines dont les
rats se disputent les couloirs. Pour que l'Église retrouve son lustre, il
faudra les accords de Latran et les terribles combines de Pacelli avec
Mussolini et Hitler. A cent lieues des métaphysiques de comptoir, Pedro Angel
Palou mène une investigation passionnante au cœur d'une institution qui n'a pas
fait de la transparence une vertu cardinale.
L'argent du diable – Pedro
Angel Palou – J.C Lattès – 333 pages – 20 euros - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 29 mai 2011
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