"L'homme au pardessus, me laissant livré à moi-même, me forçait à lui trouver des remplaçants."
C'est une photo qui va relancer l'enquête de "Thierry" pour échapper définitivement aux "Marignac". L'auteur qu'on connait aujourd'hui, traducteur du russe et de l'anglais, romancier qui avoue avoir lâché beaucoup de lui-même comme pour se rattraper d'un vide originel, est une encyclopédie passionnante des marges. Il en a fréquenté toutes les variantes, drogue, alcool, mauvais trip et famille toxique. Même en littérature, il s'est rarement accommodé des courants porteurs.
La photo envoyée par la sœur de sa mère est celle d'un homme en pardessus avec un bébé dans les bras. L'enfant, c'est lui. L'homme, l'inconnu qui a plaqué sa mère un peu après. "Photos passées" est le roman autobiographique d'une enquête où le bâtard se cherche à défaut d'une raison, un point de départ à la vie qu'il a vécue. La chance du lecteur, c'est que cette vie est passionnante, bordée de fugues entre Paris, New-York, Berlin, Kiev ou Moscou.
D'explorations souterraines de la littérature, les territoires de Limonov, écrivain "sulfureux" capable de "glaner son souper dans nos fanges", formule baudelairienne que Thierry adresse à Edouard. Un père de substitution.
En nous invitant à découvrir Marignac, le mari de sa mère, on débusque Kaa, l'autre fils légitime, connu des amateurs de polars des années 80. Quand Thierry se dopait, Pascal, alias Kaa, descendait des litres de whisky. Ces deux-là ne s'aimaient guère.
Hervé Prudon, John Farris, le récit de toutes ces rencontres nous laissent au seuil du questionnement: Qui était l'homme au pardessus? Thierry Marignac déjoue le pathos du manque. Avant d'être ballotté dans le maelstrom d'un demi-siècle parcouru intensément, l'enfant sur la photo ne sait pas encore que les histoires d'amour finissent mal.
Photos passées – Thierry Marignac – La Manufacture de livres – 184 pages – 17€ - ****
Lionel Germain
Lionel Germain