La nature du frisson n'est jamais réductible aux aléas climatiques. Du froid hivernal qui vous hérisse le poil à la caresse d'un soir d'été, il se nourrit d'une combinatoire de signes contraires. Et Donato Carrisi est l'auteur italien qui en maîtrise le mieux les ressorts littéraires. Juriste et criminologue reconverti en écrivain après le succès du "Chuchoteur", lauréat en 2011 du prix SNCF du Polar européen, il s'est beaucoup intéressé aux tueurs en série et à la genèse du phénomène.
"Je suis l'abysse", inspiré de faits réels, explore donc les failles d'une enfance malmenée et les dommages collatéraux du désamour maternel. Mais la science du "frisson" exige sa part de gothique dans la distribution des personnages: Un "nettoyeur" dont les femmes ont tout à craindre, une "chasseuse de mouches" qui se consacre à leur sauvetage, et des victimes qui reculent toujours le moment de voir le prédateur derrière le prince charmant.
Grâce à ce jeu de masques, l'auteur organise le partage du suspense entre les figures du deuil et de la rédemption. Un étonnant savoir-faire pour noyer le poison dans l'eau bénite.
Je suis l'abysse – Donato Carrisi – Traduit de l'italien par Anaïs Bouteille-Bokobza – Calmann-Lévy noir – 352 pages – 21,90€ - ***
Lionel Germain
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