Disparu en 1985, Frank Herbert aurait eu 100 ans l’an dernier. L’importance qu’il attache à l’écologie, sa vision paradoxale de la religion et les commentaires qu’elles suscitent encore font de lui un penseur clé. Comme son contemporain Edgar Morin, il aura marqué le siècle. Le parallèle entre les deux avait déjà été tenté dans ces colonnes par Michel Jeury il y a presque 40 ans. Citant Morin qui parlait du "monde qui s’ouvre, incertain, mystérieux, plus shakespearien que newtonien", Jeury avançait l’idée qu’Herbert était peut-être le chantre de ce monde nouveau, marqué du sceau de la complexité, mêlant tragédie et bouffonnerie.
Nombre de publications célèbrent l’homme aujourd’hui, des rééditions, des traductions révisées, des nouveautés. On attendait beaucoup du film de Denis Villeneuve, et c’est l’occasion de relire Dune. Mais Herbert n’est pas l’auteur d’une œuvre unique, cette saga romanesque aux dimensions impressionnantes que l’on ne présente plus. L’ensemble de ses nouvelles paraît en ce moment, deux forts volumes comprenant huit inédits.
Pour la plupart parus en revues, ces textes relèvent souvent du space opera et sont tributaires des codes et clichés de l’époque. L’auteur s’en joue avec humour, proposant une réflexion critique sur le réel et sa perception, appelant la science à faire son autocritique, plaidant pour l’introduction de l’éthique dans une politique probabiliste et ouverte.
Ces textes sont un bréviaire pertinent pour l’époque compliquée que nous vivons. Mais nous ne sommes pas encore des dieux, et le capharnaüm convivial et un peu inquiétant que le lecteur découvrira par exemple sur la planète Amel qui héberge toutes les religions des mondes habités le temps d’une interminable "Trêve œcuménique", est à l’image de notre monde, terrifiant et risible parfois.
Nouvelles, intégrale - Frank Herbert - Traduit de l’anglais sous la direction de Pierre-Paul Durastanti - Le Bélial’ - 2 volumes, 480 et 500 pages - 24,90€ chaque.
François Rahier
François Rahier
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