Peut-être que sans le blues, les femmes n'existeraient pas, contrairement à l'affirmation de John Lee Hooker reprise par Michel Embareck. En tout cas une certaine idée des femmes trimballée par les "série noire" du siècle dernier, des femmes aux lueurs de frigo dans les yeux, la poisse chevillée au corps des hommes qui les réchauffent. Ici c'est un père et sa fille que les concierges d'hôtel hésitent à qualifier d'escort. Ils se retrouvent après une longue séparation. La poisse du père s'épanouit comme une fleur vénéneuse sous son crâne. Une migraine qui accompagne l'auteur-narrateur dans cette croisade entre Memphis et la Nouvelle Orléans à la recherche d'une vérité sur la mort de Robert Johnson.
Les bémols donnent sa véritable couleur au bleu éraillé de la bande son. Le vieil homme est amer. Sa fille le lâche en route après avoir maudit Faulkner que le monde entier continue de préférer à Caldwell. Lui reste en mémoire la présence obstinée d'une maîtresse disparue, elle aussi. Et peut-être bien que sans les femmes, le blues n'existerait pas. Mélancolie indispensable comme un soir de pluie en bord de mer.
Une flèche dans la tête – Michel Embareck – Joëlle Losfeld – 114 pages - 13€ - ****
Lionel Germain