"Mapuche", c'est le nom d'une communauté indigène parquée dans les contreforts des Andes et sans cesse martyrisée depuis le début de la colonisation. De même que la dictature argentine s'organisait autour de trois principes: le sang des victimes qui liait les oppresseurs, l'obéissance à laquelle ils s'astreignaient et la corruption dont ils tiraient leurs bénéfices, le récit de Caryl Férey s'installe autour de trois figures.
D'abord Jana, l'Indienne mapuche qui se sent aride et sèche depuis le viol de sa mère par les carabiniers. Ensuite, Ruben Calderon, fils d'un poète assassiné, devenu détective privé à la recherche des disparus que réclament les Mères dans une ronde obsessionnelle sur la Place de mai. L'Argentine, enfin. L'Europe y a posé sa mémoire et Buenos Aires n'est plus qu'un cauchemar séducteur où se sont métissées les cultures du Vieux Continent. "Les Mexicains descendent des Aztèques, les Argentins descendent du bateau…".
Maud Tabachnik dans le "Tango des assassins" et Ledesma (auquel Caryl Férey adresse un clin d'œil amical à travers un des ses personnages) ont déjà abordé à leur manière le thème des enfants disparus, mais qui peut rester insensible au charme rugueux de Ruben Calderon enquêtant dans le milieu très fermé des anciens généraux avec l'insolence et la gouaille de Philip Marlowe?
Mapuche – Caryl Férey – Série noire Gallimard – 450 pages – 19,90 € - Folio mars 2016 – 560 pages – 8,70€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 27 mai 2012