Turquie avec Alper Canigüz, Pologne avec Zygmunt Miloszewski, Moldavie avec Vladimir Lortchenkov, la réputation littéraire des espaces mal famés coïncide rarement avec le catalogue des éditions Mirobole. Quand les amateurs de frissons ont tendance à lorgner le nord de l'Europe et l'univers anglo-saxon, l'offre éditoriale de la petite maison bordelaise fait voisiner le suspense de la danoise Inger Wolf et le burlesque provocateur de Lortchenkov.
"Psychiko" de Paul Nirvanas pourrait suggérer une escapade sanglante à la mode de Bret Easton Ellis. Funeste méprise, Psychiko n'est qu'un quartier d'Athènes et Paul Nirvanas, le pseudonyme d'un auteur grec disparu en 1937. On doit à la postface de Loïc Marcou d'en savoir plus sur ce Petros K. Apostolidis qui fut médecin de la marine de guerre avant de se consacrer à la littérature sous une douzaine de noms d'emprunt, de rejoindre l'académie d'Athènes, d'écrire dans les années trente le scénario de deux films et de diffuser la philosophie nietzschéenne en Grèce.
Le roman publié en 1928 met en scène un jeune homme qui s'érige en "bourreau de lui-même" pour échapper à la monotonie de l'existence. En se déclarant coupable d'un crime qu'il n'a pas commis, il déclenche la répression judiciaire espérée. La menace de la guillotine fait bientôt basculer la comédie dans le mélodrame et un honorable suspense nous tient en éveil jusqu'au dénouement attendu. On peut lire cet agréable feuilleton sans se soucier des références philosophiques ou littéraires. C'est à la fois moderne dans le procédé, désuet dans la rêverie sentimentale qui préserve le "héros" d'une folie véritable, et très révélateur quand même de la société athénienne des années vingt.
Psychiko – Paul Nirvanas – Traduit du grec par Loïc Marcou – Mirobole – 224 pages – 19,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 10 janvier 2015