"Plus tard dans mon lit, ayant renoncé à m'endormir, je guettai, à travers les hululements du blizzard, les gémissements de la maison malmenée. Souvent il me semblait qu'un pauvre hère cognait aux volets à la recherche d'un refuge, mais ce n'était que les branches d'un sapin qui grattaient la façade. La toiture grinçait, les fenêtres s'entrechoquaient."
Le froid est une saison littéraire dont Élisa Vix maîtrise les codes à la perfection. Pour Estelle, sa jeune héroïne promenée de foyer en famille d'accueil, l'enfance aussi est une saison tragique. Elle espère avoir tourné la page en s'exilant à Val Plaisir. C'est une charmante station de montagne et Jérémy, le tenancier du bowling est charmant. A la fin du conte de fée, ils ont une petite fille, Lilas. Mais sous le charme sommeille l'enchantement, le sortilège qui inspire la frayeur et peut prendre le joli visage de Nadia, débarquée de nulle-part.
Jérémy et Nadia sont des jumeaux en miroir. Comme en montagne où les deux versants opposent leur appétit d'ombre et de lumière, Nadia figure l'ubac, la minéralité faussement adoucie par la pâleur des neiges. Nadia n'aime vraiment pas Estelle et son enfant. Tandis qu'elle accumule les faux actes manqués, pour Jérémy, c'est Estelle qui devient la coupable. Mais qui pourrait croire l'enfant de la Ddass?
Et sur l'ubac, il manque encore les loups pour que l'hiver se referme sur la noirceur du conte. Élisa Vix en laisse surgir le hurlement dans les lointains du texte. On devine alors que le dernier mot appartiendra à cette tradition séculaire dont nous nourrissons encore nos rêves. Avec bonheur.
Ubac – Élisa Vix – Rouergue – 192 pages – 18€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 17 janvier 2016