L'Islande, ce gros glaçon à la frontière du Groenland, peut aussi figurer la dernière banlieue nord de l'Europe. A la lecture d'Indridason ou de Thorarinsson, le pays paraît concentrer tous les attributs négatifs de la modernité. A peine plus de 300 000 habitants et un système bancaire qui faillit terrasser cette terre de fjords et de volcans aux noms imprononçables.
Suicide assisté par ordinateur, mariage homosexuel, harcèlement téléphonique, à son habitude, Arni Thorarinsson explore dans "L'ombre des chats" plusieurs pistes autour d'une intrigue principale consacrée aux problèmes graves de la presse écrite. Einar le journaliste est tiraillé entre les appétits des politiciens et des banquiers pour le "Journal du Soir". Le charme du roman doit beaucoup aux personnages secondaires, l'ex-femme d'Einar, sa fille Gunnsa qui rêve d'être photographe, son patron parfois détestable, sa maîtresse volcanique, sa collègue plus secrète.
Le rapport au temps, enfin, à la vieillesse de son père ou de sa voisine avec laquelle Einar a tissé des liens précieux, éloigne paradoxalement le lecteur de cette rigueur procédurière qu'il est censé trouver dans un polar. Thorarinsson emprunte au meilleur de la littérature de genre avec humour. Mais c'est quand même pour nous parler d'un monde où "le progrès technique est une hache dans la main d'un meurtrier dément."
L'ombre des chats – Arni Thorarinsson – Traduit de l'islandais par Éric Boury – Points Seuil – 380 pages – 7,70€ - ***
Lionel Germain - Sud-ouest-dimanche – 1er novembre 2015