Le roman noir américain s'est constitué sur les rapports violents d'une société en train de chercher son point d'équilibre. C'est ce qui nous vaut en littérature des intrigues aux muscles apparents. Il serait abusif de mettre en parallèle "L'Enfer des codes" du Chinois Jia Mai (ou doit-on dire Mai Jia), un roman dont la noirceur ne tient qu'à l'épaisseur du secret entourant le personnage principal, avec le rythme des polars anglo-saxons.
Contrairement à Qiu Xiaolong, l'auteur de "Dragon bleu, tigre blanc", exilé aux États-Unis, Jia Mai a passé 17 ans dans l'Armée Populaire et est le représentant très officiel de l'Association des écrivains. Il a obtenu pour un autre livre le prix Mao Dun, distinction prestigieuse et néanmoins contestée pour les conditions dans lesquelles elle est attribuée.
"L'Enfer des codes" c'est d'abord la généalogie de la famille Rong, une dynastie de marchands de sel, à l'origine d'une lignée de mathématiciens dont ce Rong Jinzhen, recruté en pleine guerre froide. Au sein de l'Unité 701, spécialisée dans le contre-espionnage, il doit casser "Purple", le code ennemi. Sa biographie nous est livrée par un narrateur qui sillonne la Chine à la recherche de témoignages. Plus on avance, plus le désert affectif du héros se peuple d'une armée de chiffres avec laquelle il doit défaire la muraille de "Purple", Graal inaccessible.
Si "L'Enfer des codes" est en apparence un roman conforme aux exigences idéologiques de la Chine contemporaine, il dissimule un étrange pouvoir de subversion par la qualité insaisissable de son héros.
L'Enfer des codes – Jia Mai – Traduit du chinois par Claude Payen – Robert Laffont – 334 pages – 21€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 15 novembre 2015