Dans
la littérature publiée, rien n'échappe aux lois du marketing sauf peut-être
l'illusion de l'auteur quand il croit s'abstraire de la part triviale de
l'échange en signant des autographes sans jamais rendre la monnaie du libraire.
David Gordon a fait de son héros un de ces vendeurs de salades qui mettent sur
le marché des produits de saison. Porno, Sf, vampires et pourquoi pas polar, le
client est roi. On l'appellera Harry Bloch chez son coiffeur mais si vous êtes
amateur de fessées ou de prises de sang nocturnes, vous l'avez certainement
croisé sous l'un de ses nombreux pseudonymes. Harry a même convaincu sa vieille
mère juive de poser pour la quatrième de couverture et de donner des interviews
au téléphone.
Imaginez
maintenant un tueur en série. Un vrai monstre qui attend dans le couloir de la
mort après avoir dépecé quatre femmes. Grand fan de "Chaud Lapin", la
chronique érotique de Harry, il a décidé de se confier à celui-ci avec en
contrepartie, l'obligation pour Harry de rencontrer les femmes bien vivantes
qui vivent sous l'emprise du tueur à l'extérieur de la prison et d'écrire les
scènes d'orgie virtuelle auxquelles il aimerait soumettre chacune d'elles. Aidé
de Claire, petite fille riche devenue son assistante officieuse, il va devoir
relever le premier défi éthique de sa carrière d'écrivain.
Reprenant
le thème de l'auteur qui tombe dans le chaudron du réel, David Gordon utilise
le burlesque pour désamorcer les turpitudes de ses personnages. Il joue en
permanence avec les ressorts ambigus du mauvais genre. Le sang sur la page
a-t-il vraiment séché avant de procurer au lecteur ce délicieux vertige? Et ce
mauvais genre courtisé par la cire universitaire, David Gordon le renvoie à ses
origines populaires. Sur les rayons d'une librairie de gare où les héros à
problèmes n'existaient pas. "Le narrateur (…) débarquait en ville dans un
costume froissé, résolvait l'affaire et partait par le train suivant".
Poe
s'est donné beaucoup de mal pour éclairer les ténèbres. Pour David Gordon, il
est temps d'éteindre la lumière et de se raconter des histoires.
Polarama – David Gordon –
Traduit de l'américain par Laure Marceau – Actes Sud – 405 pages – 22,80€ - ***
Lionel
Germain – Sud-Ouest-dimanche – 30 juin 2013 –
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