Adapter Tom Wolfe n’est pas un exercice facile. Brian de Palma s’y était risqué avec "Le Bûcher des vanités" en 1991. David E.Kelley (vétéran de séries aussi diverses qu’"Ally Mc Beal", "The Practice", "Big Little Lies" ou "The Undoing")a pris le relais avec "Un homme, un vrai", et s’est vu contraint de pratiquer un équarrissage substantiel du roman (presque 800 pages!) sans pour autant renoncer à un dédale d’intrigues.
Au centre, dans la série peut-être plus que dans le roman, Charlie Crocker (Jeff Daniels), sexagénaire à la tête d’un empire immobilier à Atlanta. Il a insufflé une nouvelle énergie à la construction dans la capitale de la Géorgie – dont sa dernière réalisation prestigieuse (et ruineuse), le Croker Concourse – et se trouve aux abois avec une dette de 1,2 milliards de dollars.
Poursuivi par ses banquiers, et notamment par la PlannersBank – son chef du recouvrement, le bouledogue Harry Zale (Bill Camp) et l’obséquieux Raymond Peepgrass (Tom Pelphrey),responsable des prêts – ce "man in full", cet homme entier du titre, fier de ses racines modestes de "bouseux de Géorgie", va mener un combat acharné pour sa survie.
S’entremêlent péripéties et guerres politiques avec la réélection du Maire noir Wes Jordan (William Jackson Harper): violences policières racistes suivies d’abus de pouvoir judiciaire et d’emprisonnement (Conrad Hensley, Jon Michael Hill, mari de la secrétaire de Charlie Croker), tractations via l’avocat d’affaires Roger White (Aml Ameen), coups bas et manœuvres perfides des banques.
A nombre d’égards, la série prend un air de "Succession" (propos triviaux ou orduriers, ruses et machiavélisme). Charlie Croker lui-même apparaît comme une sorte de sosie d’un certain Donald Trump, en magnat de l’immobilier cruel, vulgaire, gonflé d’orgueil, et (re)-marié à une poupée blonde bien plus jeune que lui (Serena, Sarah Jones).
Afin de s’adapter aux exigences du format télévisuel, David E.Kelley a opté pour une mini-série de 6 épisodes, obstacle peut-être à la proposition de personnages plus étoffés. Un défi réussi toutefois, s’agissant du pavé de Tom Wolfe dont l'intrigue se déroule dans les années 90 sous la présidence de Bill Clinton, et qu'on a déplacée, pour la série, dans l’Amérique de 2024.
En fin de compte "A man in full" s’affirme comme une série percutante. On en préférera la fin, aussi géniale qu’obscène et grotesque, à celle décevante du roman.
Un homme, un vrai (A man in full) – 1 saison, 6 épisodes – Netflix - ****
Créée par David E. Kelley
Avec Jeff Daniels, Tom Pelphrey, Aml Ameen, Diane Lane, Jon Michael Hill, Sarah Jones, William Jackson Harper, Bill Camp, Chanté Adams, Lucy Liu
Alain Barnoud
Alain Barnoud