Invité à plusieurs reprises du Prix des Lycéens organisé par la commune de Gujan-Mestras, Frank Andriat avait promis de revenir sur le Bassin d’Arcachon, ne serait-ce qu’à travers un roman. C’est chose faite, avec "Les Silences de Buenos Aires".
La terreur dans laquelle vit le peuple argentin au début des années de plomb est au cœur du roman. Le sinistre général Videla y est au pouvoir depuis 6 ans. Le 24 mars 1982 une jeune avocate est assassinée à Buenos Aires, en pleine rue, sous les yeux de sa fille Lola âgée de sept ans. Partout des morts, des disparus, et ces "Mères" de la place de Mai qui défilent et manifestent en demandant Justice et Vérité.
Désespéré, Rodolfo, le père de la petite Lola, quitte l’Argentine pour la France. Ils s’installent à Gujan-Mestras: "L’air y était capricieux et les allers-retours de la mer comme un mouvement de tango lui rappelaient l’Argentine". Il s’établit comme glacier, un métier qui l’avait tenté jadis avant de faire de longues études universitaires.
Les années passent, Lola grandit, noue une idylle avec un jeune ostréiculteur "aux yeux si bleus que s’y perdait la mer", puis quitte le Bassin pour Paris. Ce qu’il leur reste de famille argentine les y retrouve un jour, le passé revient aussi, avec brutalité, mais sans qu’on verse dans l’horreur des premières pages.
La prose sensuelle de Frank Andriat fait de ce thriller une chronique douce-amère, et non une tragédie de la vengeance: même s’il y reste "dans l’air des tranches de nostalgie et des parts de tristesse", ce tango d’amour et de mort trouve un lieu de paix dans la ville aux sept ports et nous invite à voir "que la lumière vainc les ombres et que nous sommes tous capables de nous libérer de nos pires démons".
Les Silences de Buenos Aires – Frank Andriat - Éditions F deville - Bruxelles-Paris - 20€ - **
François Rahier
François Rahier