Créée en 2008 par Maxime Chattam, Olivier Descosse, Henri Loevenbruck et Franck Tilliez – vite rejoints par une quinzaine d’autres auteurs, la Ligue de l’imaginaire se donne pour but de réhabiliter une littérature populaire un peu décriée en se plaçant sous le patronage d’Alexandre Dumas voire de Victor Hugo.
À ce titre ils publient régulièrement des œuvres collectives. La toute dernière paraît pour Noël, dans le cadre d’un événement caritatif, la campagne "Soutenez le rire médecin", retenue pour son implication constante auprès des enfants. Depuis 1991 cette association fait intervenir en effet des comédiens-clowns professionnels dans les hôpitaux pour permettre aux enfants, à travers le rire, de mieux se battre contre la maladie et la douleur. Le livre est donc vendu au profit de cette association.
Vingt-et-un textes inédits, autant ou presque de contes de Noël, ou d’anti-contes à vrai-dire, tant leur contenu recommande de ne pas les mettre en toutes les mains. Le recueil s’ouvre par une auto-parodie collective signée Agnès Abécassis dans laquelle les 21 auteurs de la Ligue se retrouvent dans une sorte d’escape-game horrifique, un huis-clos infernal gore à souhait à côté duquel celui de Sartre paraît un peu gnan-gnan.
Le jeu continue dans une autre histoire où l’on propose au lecteur de retrouver tous les membres de la LDI présents dans le texte. Mais ce genre de quizz cède vite la place à ce qui est le meilleur du recueil: petits bijoux policiers ou fantastiques (Maxime Chattam, Sébastien Drouin), noirs de chez noir (Nicolas Lebel), récits d’épouvante (Olivier Descosse), plongées dans l’histoire médiévale (Mireille Calmel), l’ésotérisme (Éric Giacometti), le conte philosophique (Bernard Werber) ou encore le récit maritime à la manière de Joseph Conrad (Bernard Minier).
Ces "contes de Noël" ne pouvaient pas faire l’impasse sur le Père Noël: on y apprend son histoire à travers la biographie revisitée de Thomas Nast, qui publia réellement le 1er janvier 1881 dans le Harper’s Weekly son célèbre portrait de "Santa Claus" (Olivier Bal), des journalistes viennent l’interviewer dans son refuge lapon à un moment où il pense diversifier son activité tant ses lutins peinent à satisfaire des enfants avides de jouets "faits de plastique et de matériaux qui pillent les ressources naturelles de la planète" (Olivier Norek); mais on le retrouve aussi sous les traits d’un ogre – ou pire. Les jouets ne sont pas oubliés, et Niko Tackian nous fait partager le point de vue d’un petit soldat en lego perdu d’angoisse dans un gigantesque arbre de Noël vacillant sous les coups d’un énorme chat et que remettent en place tant bien que mal ces gigantesques créatures que sont les enfants venus déballer leurs cadeaux.
Histoires macabres, humour féroce, rires grinçants, c’est parfois une sorte de révérence du désespoir que font chacun à leur manière tous ces auteurs à la magie de Noël et à la nostalgie de l’enfance. Enfin, seuls parmi tous ses confrères David Khara ne propose pas un conte mais une belle méditation qu’accompagne en 2e page de couverture du livre la photographie d’un minuscule coin de l’espace réalisée avec ses compagnons de l’équipe d’astrophotographie amateurs Astro-Fleet, un amas d’étoiles contenu dans la constellation de la Licorne : "Il était une fois un sapin de Noël si grand que notre système solaire tout entier y tiendrait plusieurs fois et si lointain qu’il faudrait plusieurs générations pour s’y rendre... "
François Rahier