La musique de Rosemary's Baby, le couinement d'un ascenseur d'hôtel, le frisson contenu dans la seule évocation du continent gris à l'Est de l'Europe, et l'efficacité pernicieuse d'un style qui refuse les effets signent l'atmosphère du dernier roman de Magdalena Parys.
C'est à la fois un roman d'espionnage où les espions ne surveillent en priorité que l'ennemi intérieur, notamment pour cette opération des années soixante-dix baptisée "le Magicien", au cours de laquelle on organisait depuis la Bulgarie l'assassinat et la disparition des fugitifs et des dissidents. Puis le roman vire au noir presque classique dans le Berlin contemporain. L'attachant commissaire Kowalski y enquête sur le meurtre d'un employé aux archives de la STASI.
Le corps démembré est retrouvé dans un squat de Neukölln, quartier emblématique de la capitale allemande, véritable archipel de cultures et de nationalités.
Dans ce va-et-vient entre espionnage et polar se dessinent peu à peu les contours d'un pays qui a endossé tous les mauvais costumes du vingtième siècle. Modèle réduit d'une Europe fracturée, l'Allemagne subit toujours les effets pervers de la réunification.
A la recherche opportuniste d'un électorat désabusé par les promesses de la société libérale et nostalgique du plein emploi, le politicien que Magdalena Parys met en scène cherche à faire oublier son passé sulfureux. Un passionnant cours d'histoire.
Le Magicien – Magdalena Parys – Traduit du polonais par Margot Carlier et Caroline Raszka-Dewez – Agullo – 494 pages – 22€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 3 mars 2019Lire aussi dans Sud-Ouest