"Longtemps je me suis couché le matin de bonne heure". C'est la phrase par laquelle Jean-Gabriel Lesparres, le narrateur du dernier roman de Jean Contrucci, se débarrasse du chroniqueur venu lui extorquer des confidences sur le "vol" de son manuscrit qui alimente l'actualité littéraire de l'été.
Jean Contrucci met en scène des personnages antipathiques englués dans le "marigot parisien" de l'édition. On parle du "petit monde", mais c'est une machine infernale au pouvoir économique exorbitant et un milieu enclin à surjouer son importance intellectuelle pour justifier des tirages dont la nécessité reste une énigme. Écrivain à succès vieillissant, Jean-Gabriel Lesparres est en couple avec une très jeune femme. Il est riche, admiré, et sans illusion sur la qualité de sa dernière "œuvre".
Alors que son nom suffirait à maintenir les piles en première ligne chez les libraires, la certitude de ne plus pouvoir échapper à l'insignifiance le persuade d'organiser le "braquage" de son manuscrit. Et surprise, le roman "volé" réapparaît soudain signé d'une jeune auteure mystérieuse.
Même si le héros manipulateur renfloue peu à peu son sens moral, Jean Contrucci ne lâche rien sur le suspense et la critique de l'industrie du livre. Rentrée littéraire, copinage, prix bidouillés, rédacteurs de l'armée des ombres au service des personnalités dont la destinée rassure le tiroir caisse, loin du festin promis, la littérature est parfois un brouet amer.
Le vol du gerfaut – Jean Contrucci – HC – 240 pages – 19€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 11 février 2018