Deux ans! Deux ans qu'Elizabeth George nous avait laissés en plan avec ce couple mythique de la littérature policière que forment l'aristocrate Linley et la roturière Barbara. Avec une crainte majeure: qu'elle abandonne définitivement son duo de flics de Scotland Yard pour les aventures de Becca King, une jeune héroïne dont les pouvoirs fantastiques séduisent davantage les adolescents que les amateurs de romans policiers.
Il y a deux ans, on s'était un peu perdu en Toscane dans une intrigue visiblement destinée à clore le chapitre des relations sans avenir entre Barbara Havers et son voisin pakistanais. Fâchée avec la procédure et les bonnes manières, Barbara a le cœur chagrin et des ennuis avec ses supérieurs quand elle entre en scène dans ce nouvel épisode. Will, un jeune paysagiste victime de coprolalie s'est suicidé en se jetant du haut d'une falaise. Sa mère, Caroline Goldacre, est l'assistante de Clare Abbott, un auteur féministe dont la mort "suspecte" va déclencher l'enquête de Barbara.
Mais Barbara est le vilain petit canard de la Met, la police de Londres. Menacée par une mutation dans le nord de l'Angleterre, elle ne doit son sursis qu'à Linley qui a plaidé sa cause auprès de la commissaire. Elle ne comprend rien aux codes de ses contemporains. "Les seules fois où elle se regardait dans une glace, c'était quand elle mangeait des épinards. Là, elle vérifiait qu'elle n'avait pas un bout de feuille coincé entre les dents." Quand elle fait malgré tout l'effort vestimentaire indispensable à son maintien, c'est l'absence de vie sexuelle que lui reproche une autre collègue.
Barbara a le cœur chagrin mais Elizabeth George n'en fait pas un drame. Le mystère de cette Caroline Goldacre réanime sa fonction d'enquêtrice et le véritable drame se joue sur l'avant-scène, dans le pourrissement des liens familiaux, les rapports compliqués entre une mère et ses fils, les zones grises de l'âme. C'est l'essence même du roman et de cette comédie humaine à laquelle elle se consacre désormais, passant du roman à énigme de ses débuts à une exploration sociologique de l'Angleterre.
Une avalanche de conséquences – Elizabeth George – Traduit de l'américain par Isabelle Chapman – Presses de la Cité – 610 pages – 23,50€ - ****
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 13 novembre 2016