Au terme du Vingtième Siècle, c'est charmant Bratislava. Un charme au couleur du chagrin qu'on évacue à grand renfort de vodka dans des clubs dont certains font clignoter avec élégance leur enseigne. Le "Rat d'égout", par exemple. On y boit une vodka polonaise mélangée à des substances qui vous laissent un arrière-goût dans la cervelle. De quoi rendre les victimes plus dociles.
On y trouve aussi des flics qui se battent contre les moulins à vent du crime organisé. Moly et Miki forment une équipe d'enquêteurs. Ils naviguent sur la même galère et quand Moly le juste tombe à l'eau, victime d'un accident suspect, Miki n'a plus que Schlesinger, le journaliste du coin, pour mener la lutte contre les mafias. Elles sont brutales, très bien organisées et surtout protégées par une justice corrompue.
Arpad Soltész est lui-même journaliste, engagé dans ce combat contre les oligarques. Son flic Miki n'est pas un modèle de vertu mais la mort de son jeune collègue et l'obstination de Schlesinger suffisent à motiver sa propre détermination.
Schlesinger est une vieille connaissance qu'on a découverte dans "Il était une fois dans l'Est" et "Le Bal des porcs", deux romans publiés chez Agullo, le premier sur l'exportation des jeunes filles mineures à Prague ou au Kosovo, et le second sur les disparitions dans des centres de désintoxication où la mafia calabraise était à la manœuvre.
Né dans un pays de l'après-guerre communiste, la Tchécoslovaquie, Arpad Soltész, a mené de nombreuses enquêtes qui ont révélé la corruption du monde politique. Depuis les élections slovaques de 2023, il vit à Prague. Dans cette Slovaquie des années 90 qu'il nous décrit, police et services de renseignement se partagent le pouvoir, et le chemin vers la transparence est sérieusement miné.
Colère - Arpad Soltész – Traduit du slovaque par Barbora Faure – Agullo noir – 464 pages – 22,50€ - ***
Lionel Germain
Lionel Germain
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