Un roman n'est jamais réductible à la somme des informations qu'il nous donne sur des événements et des lieux. Au rayon polar, on précise souvent que l'intrigue est excellente mais c'est bien la chair de ceux qui la vivent dont se réjouit le lecteur cannibale.
Après "La deuxième femme", Louise Mey revient troubler les frontières du genre avec ce roman où les policiers ne jouent les premiers rôles que pour mieux mettre en évidence une héroïne effacée. Catherine, "la petite sale", est en 1969 forcément absente de l'avant-scène sociale. Fille de ferme, elle récure, porte les pelures aux cochons, prépare le café du dimanche et surtout baisse les yeux quand on lui parle.
Quand la petite fille des patrons disparaît et qu'une demande de rançon invitent policiers et gendarmes à mener une enquête, Catherine s'efface encore. Louise Mey s'emploie à rendre visible cette ombre assignée au malheur par les conventions et les préjugés de classe.
Mauvais temps pour les donneurs de leçons, instituteur borné ou flic pourtant bien intentionné. Catherine, "la petite sale", est une belle héroïne au sens propre.
Petite sale – Louise Mey – Le Masque – 384 pages – 20€ - ***
Lionel Germain
Lionel Germain