Le "nouveau" King est arrivé. Avec près d’un an et demie de gestation et d’écriture dans un moment difficile, le livre est un peu celui des années covid; l’auteur rend hommage d’ailleurs en fin d’ouvrage à tous ses amis connus et inconnus disparus dans la période et dont il dit porter le deuil. C’est ce qui donne peut-être sa tonalité particulière à un roman qui ressemble au "Talisman", écrit avec Peter Straub en 1984, la quête initiatique d’un ado égaré entre deux mondes, une reine à sauver, un environnement empreint de féérie et d’horreur. Mais la comparaison s’arrête ici.
Charlie a 17 ans; lycéen studieux et sportif, il a perdu sa mère dans un accident, et son père, qui avait sombré dans la boisson, sort de sa dépendance, grâce aux Alcooliques Anonymes, mais peut-être aussi aux prières incertaines du garçon qui ne sait plus comment payer – à Dieu sait qui – la dette qu’il vient de contracter.
La rencontre d’un vieillard grabataire et de sa chienne âgée et elle aussi en fin de vie, à qui il va se vouer éperdument, devenant soignant, assistant de vie, ne rechignant pas aux tâches les plus ingrates, va l’amener au Puits des mondes, un univers parallèle dont l’entrée se situe au fond d’un petit cabanon.
Mais le "Conte de fées" à l’envers dans lequel nous plongeons alors avec Charlie est celui d’un monde miné par l’entropie, une étrange lèpre ronge les visages dont les traits s’effacent, tandis que d’obscures forces du mal s’acharnent à tout détruire.
Au cœur des décombres, le cœur brisé, le jeune héros se relève néanmoins et compose avec la souffrance, apprenant le sens de la réparation. Alors qu’il échange un baiser avec sa princesse aux lèvres mutilées, il se souvient d’un haïku appris un jour au collège: "Quand on aime, les cicatrices ont la beauté des fossettes". Le "nouveau" King est arrivé, empathique plus que jamais.
Conte de fées - Stephen King - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch - Albin-Michel - 728 pages - 24,90€ - ****
François Rahier
François Rahier
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