Dans une ferme isolée, ce petit bijou de noirceur met en scène Agnès et Jean, non pas femme et mari mais fille et père, drôle d'équipage prisonnier d'une succession de routines silencieuses. Dévoreuses d'énergie aussi à cause des corvées de paille, de la traite, et des animaux dont on a parfois le sentiment de partager le sort. La débauche d'efforts n'explique que partiellement l'épuisement des paroles et cette économie de l'échange dans laquelle tout se fait sans se dire.
"Plus tard, il ronflera dans le fauteuil. Quand elle aura fini de laver la vaisselle, de la mettre à goutter sur le bord de l'évier, en essuyant ses mains elle se tournera vers lui et l'observera longuement."
Pour troubler cet étrange face-à-face, il n'y-a que Pal, ouvrier agricole venu d'ailleurs. Agnès en tolère les caresses en leur refusant tout avenir.
Et puis il y a les bêtes du dehors, sauvages et prédatrices. Quand Jean prend son fusil avec son chien, c'est pour un long voyage au cœur de la forêt. Philippe Alauzet restitue la fièvre silencieuse de ce couple incongru, père et fille séparés par le mystère d'une autre disparition.
Dans les murmures de la forêt ravie – Philippe Alauzet – Rouergue noir – 112 pages – 13,80€ - ***
Lionel Germain
Lionel Germain
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