Contrairement à une idée reçue, les auteurs d’anticipation sont en général assez réservés en ce qui concerne les extraterrestres: ce sont les grands absents chez Clarke, - et Asimov, quand il les met en scène, paraît s’en amuser, comme Dick. En revanche, ils ont la part belle dans la BD ou au cinéma. En 30 ans de carrière et plus de cinquante livres, c’est la première fois que Pierre Bordage aborde le thème.
Mais l’odyssée spatiale de son "Dixième vaisseau", lancé vers une lointaine galaxie où viennent d’être détectées les traces d’une activité intelligente, n’est pas qu’une quête de l’Autre. Les Aliens sont déjà là, aux commandes, dans l’équipage, et par bienveillance, pour gommer ce qu’il y a tout de même d’exclusion dans la notion d’altérité, en ce lointain futur on les appelle ENHNA, "Êtres non humains non animaux".
L’auteur excelle dans ses descriptions et ses dialogues, à rendre présentes, sensibles, ces créatures, témoignant d’un respect de la vie sous toutes ses formes. Marqué par la pensée indienne, le spiritualisme de Bordage, semble devoir l’amener à écrire des histoires optimistes. Mais "la SF ne parle pas de futur, elle parle de nous, de nos peurs, l’époque moderne porte en elle des germes de destruction", écrit-il.
"Métro Paris 2033" imagine la survie d’une population réfugiée dans les bas-fonds de la capitale après une guerre nucléaire qui a rendu la surface irrespirable: une vision hallucinée qui tient du récit hugolien, entre "Misérables" et "Notre-Dame de Paris", avec une cour des miracles où se jouent de pitoyables conflits de pouvoirs dans une atmosphère de Bas-Empire. Ce cycle, qui s’achève avec "Cité", s’inscrit dans un beau projet européen initié par l’écrivain russe dissident Dmitry Glukhovsky.
Le Dixième vaisseau - Pierre Bordage – Scrinéo - 430 pages - 21€ - ****
François Rahier
François Rahier
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