Commençons par du brutal: La mort d'une grand-mère étouffée par son propre fils. Liv, l'enfant qui nous raconte en partie cette histoire et ce cérémonial est la fille de Jens, l'étrangleur. Son père fabrique de beaux cercueils dans lesquels il passe parfois la nuit la veille des livraisons. Ce jour-là, c'est la grand-mère de Liv qu'on installe avec tendresse sur le coussin qui a servi à lui ôter la vie avant une crémation sauvage dans les bois. On l'aura compris, le roman d'Ane Riel est un éprouvant voyage au cœur de la folie domestique initiée par ce Jens.
Sur cette île danoise, il était pourtant "le plus bel homme", restaurateur de meubles et menuisier comme son père. Quand la fantaisie survivaliste bascule peu à peu dans l'horreur paranoïaque et criminelle, il devient un bourreau aussi appliqué qu'implacable. Sa femme obèse est recluse, sa fille Liv est déclarée morte et soumise à une existence clandestine dans une benne. La maison est un bric-à-brac à la Prévert où s'entassent poutrelles, jerricans et autres objets volés la nuit aux habitants de l'île.
Mais la folie du père, et son portrait, nous parviennent biaisés par la rationalisation enfantine de Liv, effrayée et malgré tout convaincue d'une raison cachée à la déraison de son géniteur. C'est bien-sûr la grande force de ce roman primé plusieurs fois en Scandinavie et bientôt sur nos écrans "déconfinés".
Résine – Ane Riel – Traduit du danois par Terje Sinding – Seuil Cadre noir – 304 pages – 20€ - ****
Lionel Germain Lire aussi dans Sud-Ouest