"J'ai grandi à des années-lumière des paillettes cannoises, à Montfort-sur-Meu, un village de trois mille habitants au large de Rennes, entouré de vaches analphabètes, de braves ploucs certifiés BZH et de petits bourgeois eighties."
Après un hommage à Forest Whitaker, c'est ainsi que se présente Caryl Férey, l'auteur de "Zulu" dont l'acteur américain fut le remarquable interprète. Cette consécration à Cannes en 2013 pour la cérémonie de clôture du festival est le point d'arrivée provisoire d'un homme en perpétuel mouvement.
Une enfance agitée dans un monde dont les mutations préfigurent la société du vide, une adolescence portée par l'énergie rebelle de la musique, des poètes et des écrivains voyageurs, autant d'années qui le promènent sur le fil du rasoir, entre scarification et réelles tentatives de suicide. Sa "nouvelle arme de construction massive", ce sera l'écriture, avec un billet open pour explorer les lointains et s'affranchir aussi d'une introspection "pathétique".
"Ce n'est pas tant où l'on va qui compte mais avec qui." Sur les traces de Lawrence d'Arabie, il expérimente la puissance scénaristique du boulet en partageant son voyage avec un encombrant partenaire. Joseph Kessel lui rappellera qu'il faut "cinq ans pour digérer un pays". Il respectera le délai avant son premier grand roman "Haka". Maoris, Nouvelle-Zélande, amour tragique, le meilleur de l'auteur procède de ses souvenirs de voyage destinés à cicatriser les blessures de l'adolescence sans rien perdre du feu que la mémoire capitalise. D'Arthur Penn à Bertrand Cantat, en passant par la rage de Brel et l'emphase de Rostand, Caryl Férey revisite l'incandescence du rêve. Oui, vraiment, "pourvu que ça brûle".
Pourvu que ça brûle – Caryl Férey – Albin Michel – 298 pages – 20€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 19 mars 2017