Quand on est le fils de Stephen King, il faut croire qu'on présente certaines dispositions pour faire trébucher le réel. Pas pour le transformer en Moyen-âge héroïque peuplé de dragons mais pour décaler l'univers qu'on a tous en partage. Un univers dont les temples en appellent davantage à la compulsion du consommateur qu'à la méditation sacrée.
Ignatius Martin Perrish, le héros de Joe Hill, est un jeune homme très ordinaire. Après une nuit de beuverie monumentale, il se réveille avec la gueule de bois et d'étranges protubérances osseuses au-dessus de la tête. L'incrédulité est de mise mais le miroir sans équivoque. Passé le moment de panique inévitable, il affronte le monde, découvre le pouvoir de ses cornes: elles font tomber les inhibitions de ses interlocuteurs et les entraînent à lui révéler des secrets inavouables. Personne ne semble reconnaître le diable qu'il est persuadé d'incarner. Il glisse comme un fantôme, prédateur des vérités cachées.
Ainsi apprend-il que sa mère ne l'a jamais aimé et lui préfère son frère, animateur vedette à la télévision, que son meilleur ami est peut-être bien le psychopathe violeur et assassin de la seule fille qu'il aimait. Ig Perrish, pauvre diable, décide alors de se venger. Il fait le Malin sans avoir le génie du mal. Et sans doute n'est-il même que le produit d'un cauchemar de son frère. Peu importe, c'est une fable, pas très originale, certes, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions.
Cornes – Joe Hill – JC Lattès – 412 pages – 22,30€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 11 septembre 2011