C'est tendance dans le polar français contemporain, les retours sur un passé récent, notamment les années 70 qui annonçaient une fin de règne pour la droite au pouvoir depuis plus de vingt ans. Benjamin Dierstein en est à sa deuxième saga historique après une trilogie remarquée sur le personnel politique des années 2000. La proximité avec Ellroy tenait déjà au choix du cadrage à hauteur de flics, là où s'étouffent, s'embrouillent et se défont parfois les histoires de puissants.
"Bleus, Blancs, Rouges" accueille les lecteurs en 1978 dans l'ambiance glaciale des cinglés du renseignement français à qui on impose une "collaboratrice". Jacquie est la filleule de Marcel Lebrun, patron des RG. Et peut-être est-elle plus que sa filleule ce qui la rend détestable aux yeux des machos du service et de son binôme, l'inspecteur Marco Paolini.
Dans cette traque d'un trafiquant d'armes surnommé Geronimo, un autre flic, Jean-Louis Gourvennec va infiltrer un groupe gauchiste. Au générique, figure également un mercenaire, Robert Vauthier, de retour d'Afrique, continent qui est encore un terrain de jeu où la France se permet la "chasse gardée". Vauthier encanaille le Monarque (Giscard) dans les safaris à l'antilope.
Pour son travail d'infiltré, Gourvennec est amené à massacrer son foie en compagnie de Pierre Goldman dans des virées sans fin où l'on croise des journalistes de Libé, Maxime Le Forestier et Jean-Paul Dollé. Quant à Marco, pris dans la tourmente terroriste, il rejoint le SAC et ses gros bras qui font le coup de poing contre les grévistes de l'aciérie de Vincennes.
Benjamin Dierstein conduit sa partition sur un tempo d'enfer et ne se refuse aucune des outrances qui rythmaient les nuits dévergondées du milieu homosexuel d'avant le Sida. C'est parfois du brutal mais c'est documenté comme un rapport des RG et c'est bien la somme de ces histoires qui nous ramène au récit majuscule, ou à une "certaine idée de la France".
Bleus, Blancs, Rouges – Benjamin Dierstein – Flammarion – 794 pages – 24,50€ - ****
Lionel Germain
Lionel Germain