Le plus formidable peut-être des créateurs d’univers sort enfin de l’ombre. Grâce au travail précieux de trois chercheurs, Simon Ayrinhac, Jean-Guillaume Lanuque et Xavier Noÿ, l’œuvre d’Olaf Stapledon (1886-1950) commence à être de nouveau accessible en français, et fait l’objet, avec ce numéro de la revue Galaxies, d’un dossier passionnant.
Philosophe de formation, Stapledon avait eu recours assez vite à la fiction pour vulgariser ses idées. À l’époque, Virginia Woolf et Winston Churchill apprécièrent son œuvre, ce qui ne fut pas le cas de ses contemporains H.-G. Wells ou C. S. Lewis – ce dernier récemment mis en scène avec Sigmund Freud dans "Freud, la dernière confession" le film de Matthew Bown – qui s’opposèrent à lui sur la question religieuse.
Parmi les "Universe Makers", pour reprendre le titre d’un ouvrage d’A. E. Van Vogt, Stapledon est celui qui embrasse la plus grande amplitude temporelle: si La Cité et les astres d’A. C. Clarke, par exemple, nous invite à visiter l’univers dans un milliard d’années, les célèbres frises temporelles de Stapledon nous mènent, de l’échelle de l’homme à celle du Créateur, à 500 milliards d’années dans le futur.
Dans son étude "Science-fiction et théologie" Gérard Klein compare la vision cosmique de Stapledon à celle de Teilhard de Chardin, mettant en avant tout ce qui sépare le jésuite catholique d’un penseur influencé par le calvinisme. De telles perspectives, qui questionnent le devenir de l’humanité, posent la question de ce que l’on appelle aujourd’hui le "transhumanisme": dans le dossier, un article de Xavier Noÿ montre cependant ce qui sépare le point de vue de Stapledon de ces perspectives contemporaines.
Dans ses romans Stapeldon propose d’autres pistes explorées par la science d’aujourd’hui: ingénierie génétique, terraformation, et la fameuse sphère de Dyson, mégastructure hypothétique située autour d’une étoile et conçue pour en capturer l’énergie à des fins industrielles, dont l’inventeur, le mathématicien américano-britannique Freeman Dyson, reconnut qu’il en devait l’idée à Stapledon.
Un patient et minutieux travail de réappropriation de l’œuvre est en cours: la traduction de Créateur d’étoiles par Simon Ayrinhac a d’abord été publiée en autoédition avant d’être reprise par les éditions Terre de Brume à Dinan; un autre titre, Les Derniers hommes à Londres, est également disponible chez le même éditeur. D’autres suivront on l’espère.
Olaf Stapledon le visionnaire – Revue Galaxies # 90 - 191 pages – 11€ - ***
François Rahier
François Rahier