Après une épidémie qui a entraîné la mort de toute espèce vivante sur Terre, et décimé la colonie martienne dont il est le seul survivant, John Renfrew attend la fin en soliloquant avec l’hologramme d’un pianiste qui ressemble à Elton John et en prenant connaissance, avec une sorte de boulimie, de l’impressionnante bibliothèque conservée dans la colonie, dont il a l’impression qu’elle contient tout le savoir humain… ou presque.
Revenant d’une mission de routine, il meurt au volant de son buggy d’un banal accident sur une route martienne. Des aliens qui se présentent eux-mêmes comme les "Bienveillants" le ressuscitent, et répondant à son désir profond lui donnent la possibilité de devenir une sorte de dieu. Hésitant à franchir l’ultime étape, John redevient un homme – mais il a entrevu quelque chose. Pour l’exprimer il a besoin de chanter, en s’accompagnant au piano, sur un Bösendorfer.
Ce court-roman tire son origine d’un petit conte de 5000 signes, demandé à Alastair Reynolds, astrophysicien au sein de l’Agence Spatiale Européenne et l’un des auteurs de hard SF les plus doués de sa génération, par Le Courrier de l’Unesco pour son numéro de mai 2001: il est paru sous le titre "La Fresque". Ce numéro était consacré aux rapports entre Sciences et Croyances, et proposait, entre autres, un dossier sur "Dieu et le big-bang : une rencontre au sommet".
Dans sa postface l’auteur explique les difficultés qu’il a rencontrées pour écrire une histoire aussi courte, et comment, de versions en version sa "short short story" est devenue une "novella". Le texte qui paraît aujourd’hui donne beaucoup plus d’épaisseur au personnage principal, qui n’est plus l’anonyme gardien – vraisemblablement non humain – d’un univers où toute vie est en train de s’éteindre.
Et Elton John et son piano blanc apportent un contrepoint fictionnel bien venu au narratif d’une histoire parfois rendue complexe par des développements abstraits sur la Relativité Généralisée et la Mécanique Quantique. En prime un clin d’œil à la chanson "Rocket Man" d’Elton John (1972), qui a inspiré le biopic de 2019.
De l’espace et du temps - Alastair Reynolds - Traduit de l’anglais (GB) par Laurent Queyssi - Une heure lumière/Le Bélial’ - 112 pages – 11,90€ - ***
François Rahier
François Rahier