Tous les Bordelais amateurs de littérature policière connaissent Anselme Viloc, le sympathique et doux rêveur "flic de papier" de Guy Rechenmann. Préfacé par Didier Daeninckx, voici un surprenant pas de côté littéraire qui écarte provisoirement Anselme pour mettre en lumière Léonard, personnage secondaire de la série, dessinateur et médium dont on ignorait les ressorts intimes. Et c'est justement cette intimité du personnage que Guy Rechenmann explore en laissant la parole au narrateur. L'occasion pour nous de faire un voyage extraordinaire dans les années cinquante.
Avant d'être le petit "Neuilly" bordelais, Caudéran était un village. Tout un monde de petits commerçants assez fortunés s'emparait peu à peu du quartier au milieu du Vingtième Siècle. Parmi eux les parents de ce Léonard, dont le nom n'est que le pseudonyme attribué bien plus tard par l'institution policière, et toute cette bande d'amis qui fondent et animent les territoires de l'enfance.
On les retrouve en culottes courtes, "Leonard", fils d'un VRP en confiserie, et son pote Lucien, fils unique d'un droguiste veuf, aussi opposés qu'inséparables, et surtout fascinés en cette année 1956 par l'arrivée d'une nouvelle famille dans le voisinage.
Une famille italienne avec une fille Lucia dont le charme se brise sous un foulard dissimulant un bec-de-lièvre. En faisant le portrait de la belle inconnue, les doigts de "Léonard" ont frémi. Le pressentiment d'une malédiction accompagne ces exilés dont "Léonard" et Lucien vont passer la fin des années cinquante à déchiffrer le secret.
Si cette extravagante histoire de Lucia Fancini nous révèle un pan méconnu de notre histoire: le rôle important de la Grèce dans la lutte contre l'Allemagne nazie, elle ouvre aussi une parenthèse enchantée sur l'insouciance de l'après-guerre et l'impertinence joyeuse d'une enfance caudéranaise.
L'extravagante histoire de Lucia Fancini – Guy Rechenmann – Cairn – 262 pages – 10,50€ - ***
Lionel Germain
Lionel Germain