Il y a quelque chose de blasphématoire dans ce roman de Stephen King: un entraîneur de base-ball qui viole et tue un gamin de onze ans, c’est pire aux USA qu’un curé pédophile! Et qu’on mette en scène son arrestation au mépris de tout principe constitutionnel en plein milieu d’un match décisif, devant une foule de supporters toute dévouée au formidable coach de leurs ados, renforce la symbolique et le côté sacrificiel de cette histoire. La mécanique implacable de ce qui n’est au début qu’un polar bien huilé se resserre autour de la victime émissaire jusqu’à la fin du premier tiers du livre, où tout bascule.
Le talent de l’auteur va être alors de maintenir en haleine le lecteur encore près de 400 pages! Le polar se mue bien vite en thriller horrifique. Le titre, qui rend hommage au vieux maître Lovecraft et à l’une de ses plus célèbres nouvelles, "Je suis d’ailleurs" en français, indique au passage la piste probable d’un autre monde, d’un ailleurs maléfique dont les vieilles mythologies indiennes (nous sommes en Oklahoma) donnent parfois une traduction naïve et effrayante.
Mais cette histoire de double nous dit aussi que le mal peut prendre le visage du bien. Et là jamais King n’a été aussi près d’un autre maître de l’épouvante, Clive Barker, dont il disait il y a trente ans qu’il avait le mérite d’être allé plus loin que lui. Avec ce livre, King quitte le point de vue des gens à l’intérieur de la maison pour s’approcher du point de vue du monstre et découvrir l’envers du rêve américain.
L’Outsider - Stephen King - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch - Albin-Michel - 569 pages – 24,90€ - ****
François RahierLire aussi dans Sud-Ouest