Michael Farris Smith n'est pas une voix nouvelle dans le paysage littéraire américain. "Le Pays des oubliés" est son quatrième roman et sa deuxième incursion dans l'univers du roman noir. Si encore une fois, on va pointer les couleurs du ciel sous lequel se déploie son œuvre, c'est pourtant moins la moiteur du Mississippi que la formidable énergie des personnages qui procure un bonheur de lecture rarement égalé.
Le titre original, "The Fighter", met en évidence le destin bouleversant de Jack Boucher, enfant abandonné, échoué dans les jupes d'un femme solitaire, puis jeune homme épuisant sa rage dans des combats de boxe qui le réduisent peu à peu à n'être plus qu'un sac de frappe sur lequel on jette quelques paris. La vie dans ce coin du Delta, c'est la ronde des prédateurs autour des plus faibles.
Ici, une histoire de dettes hante le dernier combat de Jack. Dette morale envers la femme qui l'a sauvé. Les huissiers sont prêts à saisir ses maigres biens alors qu'elle agonise. Dette envers Big Momma Sweet, patronne d'un tripot qui attend de cueillir les enjeux sur la vie même de Jack.
Le roman exceptionnel de Michael Farris Smith ne cède jamais un pouce de terrain à la vérité de ses acteurs. La rencontre en cours de route d'une jeune fille aussi abîmée que lui par la férocité des hommes ne dissuade pas Jack d'aller au bout. Sans désespérer de cette étoile muette dans le ciel noir. Magnifique.
Le Pays des oubliés – Michael Farris Smith – Traduit de l'américain par Fabrice Pointeau - Sonatine – 256 pages – 20€ - *****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 13 janvier 2019Lire aussi dans Sud-Ouest