2369: l’Europe est réduite à un réseau plus ou moins fédéré de noyaux urbains reliés entre eux par des voies hypersécurisées, son territoire recouvert d’une Friche saturée de pollution létale hantée par des parias. Un mal mystérieux attaque les cordes vocales des hommes, retardé plus ou moins par les drogues que trafiquent des maffias toutes puissantes, ou des implants hightech intégrant des traducteurs multilingues automatiques – clin d’œil à une SF cyberpunk à laquelle le livre semble étranger par ailleurs.
Dans ce monde en proie aux affres d’une fin annoncée, Ida, jeune femme flic rompue aux techniques de combat, mène l’enquête sur d’étranges cas de combustion spontanée. Empruntant à l’anticipation et au thriller, le roman, par l’intrication de ses sous-textes, nous parle aussi d’autre chose, du sexe, de la mort, de la beauté.
Une écriture travaillée, au baroquisme parfois précieux incrusté de trivialités, une narration distancée, des dialogues tirant vers l’opéra parlé, et des têtes de chapitre qui déroulent dans une demi-douzaine de langues la violence ou les obscénités des tags de la rue ou des lieux d’aisance, c’est à un somptueux naufrage que l’auteur nous invite, en compagnie d’Ida, d’un ténor surnommé Tue-Tête, du majordome d’un palace hors du temps, et de son frère-sœur transgenre qu’elle retrouve au cours de l’enquête.
Fable héroï-comique sur les pouvoirs du bel canto, ce livre est le deuxième roman d’un universitaire toulousain féru de littérature et de musique.
Tue-tête - Frédéric Sounac – Éditions Pierre-Guillaume de Roux – 427 pages – 24€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 12 novembre 2017