"Le Président va se faire voir dans des pays dont personne ne parle, cherchant le titre – dont tout le mode se fiche – de leader régional des Balkans. Il s'imagine, devant la glace de sa salle de bains, qu'il peut tutoyer tous les grands de la planète et, de la passerelle d'embarquement, il donne ses instructions au ministre de l'Intérieur qui consent alors, et alors seulement, à quitter l'île méditerranéenne d'où il s'occupe, le ventre au soleil, du petit pays qui lui garantit tendrement son fauteuil de ministre."
Dans le roman de Bogdan Teodorescu, le constat le plus accablant du système politique roumain est dressé par un journaliste. Après une série de meurtres de Roms dans les rues de Bucarest, on comprend l'agacement du Président devant ce legs européen que représente la liberté de la presse. Mais qui est ce mystérieux Poignard (Spada) qui s'en prend aux Roms?
L'unique député rom explique au parlement, sous les huées de ses collègues, que le fatalisme apparent de cette minorité pourrait se transformer en colère. Surtout après l'humiliation faite aux victimes pendant les funérailles. Fier de son bilan économique, le président sent l'injustice du monde à son égard.
Pourquoi donc ne réussit-on pas à coincer l'assassin? Parce qu'il n'y a plus d'essence dans les voitures de police, parce que personne n'a une idée précise de l'ampleur de la corruption du système, parce que le thème de l'insécurité est un trésor électoral. D'ailleurs, quand on aura trouvé l'assassin, rien n'aura vraiment changé. Pour Bogdan Teodorescu, tous les chemins du crime mènent aux Roms. Savoureux mais piquant.
Spada – Bogdan Teodorescu – Traduit du roumain par Jean-Louis Courriol – Agullo noir – 320 pages – 19€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche 3 juillet 2016