Là-bas, c'est d'abord pour Anne Plantagenet l'au-delà d'une frontière affective. Fille, petite-fille, arrière-petite-fille de pieds-noirs, elle n'a de l'Algérie que le témoignage d'une grand-mère qui glorifie la lumière d'Alger tout en détestant les Arabes, et les secrets d'un père que la rupture géographique semble avoir condamné au silence.
Une séparation amoureuse et la mort de cette grand-mère offriront en septembre 2005 l'occasion d'embarquer pour Oran avec son père. Elle veut retourner où elle n'est jamais allée comme ses parents sont "rentrés" en France sans en être jamais partis. Rien n'est simple. Longtemps on a parlé des "événements" oubliant de reconnaître qu'il s'agissait d'une guerre. On a transformé tous les Français d'Algérie en exploiteurs au mépris des petits "colons" pauvres, des artisans modestes des villes dont Camus porte témoignage.
La première surprise, c'est Amin, le jeune Algérien qui leur sert de guide. Il n'a pas connu la guerre d'indépendance et ne cultive aucun complexe de "colonisé". "A Oran, les noms de rue ont changé mais tout le monde continue de dire "Place Foch", Place Clémenceau". Deuxième surprise, si eux se réjouissent d'être là, le jeune Algérien, lui, rêve de partir.
Mais le voyage est d'abord un travail de deuil. La mémoire de la grand-mère ne délivrait que des mirages. Le "bel" appartement d'Oran n'était qu'un réduit minuscule, l'église du village n'a plus de clocher, les murs de la ferme sont décatis, il n'ya plus de verger et l'accueil des hommes est rugueux.
Après un détour obligé au cimetière en ruine, Anna laisse transparaître le but caché de ce périple: si l'âge d'or du souvenir est un leurre, elle peut enfin retrouver le chemin qui la mène à son père.
Anne Plantagenet- Wikipédia - CC |
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Lionel Germain